Après une année 2019 record en termes d’acquisitions immobilières, le Haut Conseil de stabilité financière a recommandé aux banques de resserrer les conditions d’octroi de crédit. Celles-ci ont joué le jeu et nombreux sont les ménages touchés par ces nouvelles mesures, avec les investisseurs en première ligne.
Durcissement des conditions de crédit immobilier
Depuis décembre 2019, les prêts de plus de 25 ans sont interdits. Les banques doivent également veiller à ce que le taux d’endettement des emprunteurs ne dépasse pas le plafond autorisé (33%). Pour rappel, le taux d’endettement est le rapport entre les dépenses incompressibles et les revenus. Les banques se servent de cet indicateur pour déterminer si un emprunteur est finançable. Il a été convenu qu’au-delà d’un endettement à 33%, le crédit sollicité ne serait pas accordé car l’emprunteur pourrait rencontrer des difficultés à rembourser son crédit. Mais les banques pouvaient aller jusqu’à 40% dans certains cas parce que le reste à vivre (somme restante après le paiement des charges mensuelles obligatoires) le permettait. Cependant, depuis les recommandations du HCSF, la limite des 33% s’applique à tout le monde. Ainsi, ce sont près de 100 000 ménages qui seraient pénalisés par ces mesures, selon l’économiste Michel Mouillart. Parmi eux se trouvent les ménages les plus modestes : ceux qui souhaitaient emprunter sur plus de 25 ans mais aussi les investisseurs, à l’endettement d’ordinaire élevé, bloqués par le nouveau calcul du taux d’endettement.
Les investisseurs pénalisés
L’obligation de respecter un taux d’endettement maximal de 33% affecte les investisseurs locatifs car les banques ont changé leur mode de calcul et passent de la méthode « différentielle » à la méthode classique (celle appliquée aux primo-accédants). Explications :
La méthode classique du calcul du taux d’endettement
La méthode classique repose sur le rapport entre charges et revenus. Pour cela, il faut prendre en compte les dépenses incompressibles récurrentes telles que factures et loyers ainsi que les rentrées d’argent comme les salaires et éventuellement les revenus locatifs. Ces derniers sont pondérés entre 70 et 80%. C’est-à-dire qu’au lieu de prendre en compte 100% des revenus locatifs, seuls 70 à 80% sont pris en considération dans le calcul du taux d’endettement.
Prenons l’exemple d’un emprunteur qui souhaite souscrire un prêt immobilier de 200 000€ à un taux d’1,30% et pour une mensualité de 950€ sur 20 ans. Ce crédit servira à financer un investissement locatif dont le loyer est estimé à 1 000€. Après pondération, on obtient 800€ de revenu locatif qui s’ajoute au salaire de l’emprunteur qui est 2 700€. Pour déterminer son taux d’endettement, la banque va procéder à ce calcul :
Charges récurrentes / (salaire + revenus locatifs pondérés) x 100 = taux d’endettement
(950€ (futur crédit) + 600€ (charges actuelles)) / 3 500€ (2 700€ de salaire + 800€ de revenu locatif) x 100 = 44%
Avec cette méthode de calcul, le projet de l’emprunteur est non finançable.
La méthode « différentielle » de calcul de taux d’endettement
Avant les recommandations du HCSF, les banques appliquaient cette méthode plus souple pour les investisseurs. Elle consiste, contrairement à la méthode classique, à soustraire le revenu locatif de la mensualité à rembourser tous les mois. Vous pouvez d’ailleurs utiliser de nombreux simulateurs pour préparer le financement d’une acquisition immobilière. Reprenons le même exemple, mais cette fois-ci avec la méthode différentielle :
Charges récurrentes – revenus locatifs pondérés / salaire x 100 = taux d’endettement
950€ (futur crédit) – 800€ (revenu locatif) + 600 (charges récurrentes) / 2 700€ (salaire) x 100 = 27%
Avec cette méthode de calcul, le projet est finançable.
Un tel durcissement des conditions d’octroi de prêt immobilier pourrait toucher près d’un investisseur sur deux. « Ils sont en plus de plus en plus jeunes, entre 30 et 50 ans. Je rappelle qu’à cet âge, vous n’avez pas fini de rembourser vos crédits, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou d’un premier investissement. Selon l’Insee, plus d’un investisseur sur deux rembourse encore des créances au moment de son achat. Ce sont autant de personnes qui n’accèderont plus à ce marché, car leur charge de remboursement serait trop lourde » explique Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des services immobiliers.
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